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25 novembre 2025

Les entreprises sont en première ligne face à la montée des risques liés à la santé mentale. Depuis 2002, celles-ci ont l’obligation de « prendre des mesures nécessaires pour protéger la santé mentale des travailleurs notamment par la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés »¹ . Découvrez la nouvelle étude APEC consacrée à la santé mentale des cadres et managers. 

¹ 1 Article L. 4121 - 1 du Code du Travail 

Santé mentale au travail : les clés pour agir

L’étude consacrée à la santé mentale des cadres et managers met en évidence des signaux qui concernent également les jeunes actifs et les apprentis. En éclairant les mécanismes qui fragilisent les collectifs de travail, ces résultats offrent des clés pour renforcer la prévention, structurer l’accompagnement et outiller les entreprises.

Rencontre avec Emmanuel Kahn, Responsable du pôle études de l’APEC, pour décrypter ces enseignements et comprendre comment mieux agir collectivement.

Pourquoi avez-vous souhaité mener une étude dédiée à ce sujet ?

D’abord parce que la santé mentale est une "Grande Cause Nationale" cette année, ce qui nous a naturellement amené à nous y intéresser. Ensuite, nous avions déjà posé quelques questions éparses sur le sujet dans des études précédentes, et nous avions observé des écarts frappants entre cadres et managers. Cela nous a donné envie d’aller plus loin.

L’étude explore trois thématiques : la santé mentale des cadres, la manière dont les managers font face aux difficultés au sein de leurs équipes, ainsi que leur propre vulnérabilité sur ce sujet. 

Au fur et à mesure de l’enquête, on s’est rendu compte que ces trois dimensions étaient complètement interreliées. La santé mentale des managers dépend aussi de celle de leurs équipes… et inversement.

La santé mentale est-elle aujourd’hui un enjeu stratégique pour les entreprises ?

Les résultats montrent surtout que parler de santé mentale est un enjeu majeur… justement parce que les cadres et les managers ont du mal à en parler. Il existe un mythe de l’invulnérabilité, une culture du dépassement qui crée une inquiétude : exprimer ses difficultés pourrait remettre en cause la confiance qu’on leur accorde, leur crédibilité, leur légitimité, ou même leurs perspectives d’évolution.

Cette réticence à dire les choses conduit parfois à chercher seul des solutions : surinvestissement, isolement, travail accru pour « compenser ». La frontière entre engagement professionnel et dépassement de ses propres limites est fine. Ne pas consulter, ne pas ralentir, ne pas s’arrêter… cela peut ouvrir la voie à des spirales d’épuisement. 

Comment mieux outiller les entreprises sur le sujet ?

En trois fondamentaux :  

  • Mieux anticiper et gérer la charge de travail. C’est un sujet délicat mais central : la charge et la pression sont vraiment au coeur du réacteur.  

  • En équipant les managers. Ils se sentent concernés, responsables… mais disposent de peu de repères pour agir. Il faut leur donner des leviers, des outils concrets pour identifier les signaux et orienter correctement leurs actions, pour leurs équipes et pour eux-mêmes. Un bon exemple de formation serait les “premiers secours en santé mentale” pour savoir comment agir dans les premières minutes quand quelqu’un vous confie une difficulté.

  • En déconstruisant le mythe de l’invulnérabilité. C’est un chantier plus sociétal, mais l’entreprise peut agir : créer des espaces de parole, légitimer l’expression de difficultés, ou encore permettre de reprendre une dynamique de carrière après un moment compliqué. 

Quels enseignements majeurs ressortent à l’étude ? 

L’étude met en évidence un contraste net : les cadres sont moins exposés à la pénibilité physique que les non-cadres… mais beaucoup plus à la charge mentale. Multiplicité des tâches, micro-interruptions, pression continue : tout est exacerbé. Autre donnée frappante : 89% des managers jugent indispensable de se dépasser au travail. Et 57% estiment qu’un manager qui laisse transparaître ses difficultés devient moins légitime. Cela illustre parfaitement le cercle vicieux.

Peut-on faire un parallèle avec les jeunes et les apprentis ?

Le parallèle existe. L’étude ne portait pas sur les apprentis, mais nos autres études sur les moins de 35 ans montrent une exposition comparable :  36% déclarent des difficultés récurrentes. Leur exposition est multifactorielle : difficultés préexistantes, inquiétude liée à l’entrée dans le monde du travail, charge émotionnelle, contexte économique tendu… 

Les nouveaux entrants, alternants ou jeunes diplômés, gagneraient à être mieux informés des ressources disponibles sur les problématiques de santé mentale. Maintenant que le constat est posé, il faut agir collectivement pour que la situation s’améliore dans les années à venir : rendre visibles les ressources existantes et créer des environnements où la santé mentale fait partie des sujets professionnels légitimes, pour les jeunes comme pour les cadres et les managers. 

Découvrir l'étude complète