Alternance
25 novembre 2022

Comment agir efficacement pour réduire le taux de rupture de contrat d’apprentissage ? Telle est la question à laquelle Nicolas Rivier, directeur de l’alternance d’Atlas, et Jean-Claude Bellanger, directeur général du cabinet Indicom Conseil, se sont employés à répondre. Au programme de cet entretien, des pistes de réflexions et des actions observées en CFA.

Quelles tendances l’analyse réalisée par Atlas sur les ruptures de contrats met-elle en avant ?

Nicolas Rivier, directeur de l’alternance, Atlas  : Nous identifions des populations qui semblent les plus exposées aux ruptures de contrats. Nous observons ainsi que le taux de ruptures a tendance à baisser quand la taille de l’entreprise augmente. Il baisse également avec l’augmentation du niveau de formation. Au sein de nos branches, ce sont les niveaux BTS qui ont les taux de rupture les plus élevés. Cela s’explique notamment par le fait qu’il s’agit de profils Post-bac, dont l’orientation est peut-être moins affermie que celle d’alternants du niveau Bac+5.

« 30 % des ruptures avant la fin des trois premiers mois. »

Environ 30 % des ruptures ont lieu avant la fin des trois premiers mois. C’est un élément qui n’est pas surprenant, car c’est une période plutôt critique. Outre l’intégration, l’entreprise et le jeune font connaissance et peuvent se rendre compte qu’ils ne sont pas faits pour travailler ensemble.

40 % des ruptures se déroulent sur la période de six mois à un an. Cela nous interroge davantage et nous allons pousser l’analyse sur cette population. Une hypothèse serait que certains jeunes changent d’entreprises d’une année sur l’autre. Nous savons qu’il y a une certaine volatilité sur l’alternance actuellement, comme parmi les salariés, et que certains font des essais, ce qui n’était peut-être pas le cas il y a quelques années. Enfin, nous avons des ruptures sur la deuxième année, mais qui sont assez limitées.

Quelles sont les principales conséquences de ces ruptures ?

Jean-Claude Bellanger, directeur général d’Indicom Conseil  : Cela joue sur l’image de l’alternance. Un jeune qui quitte son projet de formation prend bien souvent sa décision seul. Un taux de rupture important met le jeune et sa famille en difficulté, mécontente l’entreprise car elle peut le considérer comme un échec et risque également de mettre le CFA en difficulté économiquement.

Nicolas Rivier  : La rupture peut amener les entreprises à ne pas reconduire l’expérience de l’alternance. Elles ont investi du temps, de l’énergie et le départ peut faire penser que cela ne vaut peut-être pas l’investissement consenti. Nous voulons donc prévenir les ruptures pour maintenir la dynamique de l’alternance et les amener à s’outiller et à former leurs collaborateurs pour que l’expérience soit enrichissante, pour elle comme pour l’apprenti.

Quelles pistes pourraient être explorées du côté des entreprises pour réduire ce nombre ?

Jean-Claude Bellanger : Si nous souhaitons parvenir à diviser par deux ces ruptures à l’avenir, et c’est possible car nous l’avons expérimenté, il faut que le jeune sache ce que l’entreprise attend de lui et ce que celle-ci peut attendre du jeune. Bien souvent, il n’y pas de relation à ce niveau. Le jeune intègre l’entreprise, doit être efficace et y faire sa place. Il n’est pas assez préparé. En l’absence d’une plus grande considération pour l’accompagnement du jeune dans l’entreprise, il ne faut pas s’étonner de la quantité des ruptures.

« Permettre de mieux comprendre les attentes de l’entreprises. »

Nicolas River  : L’Opco peut sensibiliser plus avant les entreprises sur leur projet de recrutement en alternance, sur la formalisation de leurs offres et quant à leurs attentes, afin qu’elles soient légitimes vis-à-vis d’un alternant - qui n’est pas un salarié formé, mais un futur collaborateur en formation.

Le rôle central des tuteurs et des maîtres d’apprentissage ainsi que l’intégration d’un alternant en tant que problématique de l’entreprise sont deux éléments que nous voyons comme prioritaires. La phase d’intégration est importante à organiser. Nous diffusons des guides et proposons des éléments de sensibilisation pour accompagner l’entreprise. Avoir un tuteur ou maître d’apprentissage qui soit formé et possédant les compétences pour assurer ce qui n’est pas uniquement le suivi d’un salarié mais également la formation en situation de travail des alternants, est important.

« Mobiliser plus tôt les dispositifs de médiation. »

Nous proposons une offre digitale qui est gratuite pour l’entreprise, car nous la prenons totalement en charge, pour amener les structures qui n’auraient pas eu cette expérience à former leurs tuteurs. Et au-delà de l’entreprise, nous réfléchissons actuellement aux modalités permettant de sensibiliser les nouveaux alternants aux attentes de leur entreprise et au rôle qui est le leur.

Enfin les dispositifs de médiation existants, comme ceux portés par les organismes consulaires, sont généralement mobilisés bien trop tard, alors que leur rôle devrait être de prévenir les ruptures.

Peut-on trouver des solutions dès l’orientation des jeunes ?

Nicolas Rivier  : Réduire le risque de rupture, et notamment dans les premiers mois, est d’abord une question d’amélioration de la qualité du sourcing qui repose d’abord sur celle de l’orientation des jeunes. Une meilleure connaissance du métier visé dans le contrat impliquera moins de désillusions en cours de parcours. Il y a donc un travail à faire en amont pour mieux faire connaître les métiers et les modalités de formation en alternance. Nous pouvons y contribuer, en lien avec les CFA, à travers nos actions de promotion des métiers et d’information auprès des jeunes sur les modalités de recours à l’alternance.

Jean-Claude Bellanger  : Dans les CFA que nous suivons, nous avons par exemple mis en place un conseil à l’orientation. Nous rencontrons des jeunes qui ont choisi un métier sans trop y avoir réfléchi et nous leur présentons l’envers du décor avec un professionnel, de sortes qu’ils puissent bien comprendre le métier dans lequel ils se sont engagés. En mettant quelques actions en place, nous pourrions éviter une part énorme des ruptures, en particulier en présentant le métier à la rentrée du jeune.

« Se pencher sur la relation entre le CFA et l’entreprise. »

Il faut également se pencher sur la relation qu’il peut y avoir entre le CFA et l’entreprise. La seule relation contractuelle est bien souvent une visite par an du CFA en entreprise. C’est peu pour faire un point régulier sur l’avancement du jeune et l’acquisition de ses compétences en entreprise. S’il y a un enjeu à soulever, c’est celui-ci : comment prendre en compte les compétences acquises en situation réel sur le champ de l’entreprise ?

Nicolas Rivier  : Nous avons effectivement mené une étude dont nous venons de recevoir les derniers éléments qualificatifs concernant les tuteurs et les maîtres d’apprentissage. Ceux avec lesquels nous avons échangés indiquaient que la relation avec les CFA n’était pas à la hauteur de leurs attentes en termes de fréquence et de contenus. Leur retour évoque des échanges rares et principalement administratifs.

C’est un sujet sur lequel nous souhaitons travailler avec les CFA de notre réseau, afin d’identifier et promouvoir les pratiques exemplaires. Il est indispensable de travailler la continuité des parcours, comme un continuum de formation dans deux environnements différents mais complémentaires.